• Chapitre 9

     

     David Dekarpel enjamba le cordage de chanvre. Ni signé, ni daté était le tableau accroché au mur. Sans hésitation, il reconnut Daisy. Si elle portait une robe en soie véritable, il en était incertain. Cependant, l'étoffe était longue, luxueuse, à encolure bateau, cousue de fils d'or, peut-être... Sans aucun doute, c'était une robe de collection. Il bipa la scientifique, afin qu'elle vienne relever d'éventuelles empreintes. David se posa une question. Quand et où avait été peint ce tableau ?

     

    Chapitre 9

     

     Dans les jardins du grand palais, la chauve-souris s'évanouit. Un corps s'épanouit.

    Vincent Lombardi aperçut de loin des yeux bleus perçants dans un nuage de fumée noire. 

    — Hey ! Attendez ! S'écria-t-il à toutes jambes.

     

    Chapitre 9

     

     Des rougeurs sur les mollets démangeaient Liotta. Ses chaussures à la main, elle sortit des toilettes. David l'attendait dans le hall d'entrée. Elle se gratta les jambes furieusement.

    — De l'urticaire, constata l'agent Dekarpel. Peut-être due à l'herbe que vous avez ramassée, je ne sais où...

    — Qu'est-ce que vous voulez David ? Je peux bien vous appeler par votre petit nom puisque vous me dites Liotta.

    — Un point pour vous ! Comment avez-vous pu vous salir autant ?

    — Je suis venue sur mon balai de sorcière et je me suis cassé la figure... Un point partout !

    Il éclata de rire. Elle se rechaussa.

    Chapitre 9

     

    — Trêve de plaisanterie, reprit-il. Liotta, vous n'avez pas répondu à ma question. Où est né Ruben ? 

    — D'accord, vous avez gagné... Je ne suis pas sa mère naturelle, mais je fais tout ce que je peux pour l'adopter.

    — Voilà, on avance ! Que faisiez-vous dans cette salle interdite au public ?

    — Je suis curieuse c'est tout.

    — Permettez-moi d'en douter. Alors la prochaine fois que vous faites semblant de vous intéresser à un tableau, plus particulièrement au Lord Shallot, ne lisez pas n'importe quoi ! Ceci dit - vue sur la mer salée - était très drôle !

    — Vous questionnez toujours les gens à l'envers ? Vous parlez d'un truc, puis d'un autre...

    — C'est ma façon de faire... C'est comme ça que je voie si l'autre ment. L'interlocuteur avec qui je parle n'a pas le temps de réfléchir à une quelconque réponse. Parlez-moi d'Axelle Miller... Vous avez trouvé son corps n'est-ce pas ?

    Chapitre 9

     

    — Oui. J'ai heurté quelque chose, je ne pensais pas trouver un cadavre. J'étais venue chez Lombardi pour acheter des vêtements, masculins. 

    — Était-il présent ?

    — Non. Vincent Lombardi est arrivé une heure plus tard. Laora Belle était là. Elle cherchait une tenue de plage. Je l'ai saluée. Nous avons échangé quelques mots, mais elle n'a pas apprécié que je lui parle de Daisy. 

    — Merci Liotta. Oh ! Encore une question. À qui étaient destinés ces vêtements ?

    — Jaméson Roussel. Je l'ai invité à rester chez moi. Il s'occupe du garçon, Ruben.

    Chapitre 9 Une robe unique

     

    — Je vois. C'est le type que j'ai pris pour votre mari lorsque je suis venu vous rendre visite la première fois.  Vous savez... J'ai trouvé une pièce étrange dans la poche de son pantalon lorsque j'ai fouillé les alentours de votre maison. Un tour de jardin et j'ai compris qu'il cachait quelqu'un.

    — Je ne cache personne. Jaméson est sans domicile fixe. Quel genre de pièce ?

    — Une monnaie rare, très ancienne. Comment peut-il posséder cela s'il est pauvre ? Je n'avais jamais vu une telle pièce, mais elle est certainement de collection....

    L'agent Dekarpel tira sur ses bretelles et les relâcha pour les faire claquer. Il ajouta :

    Chapitre 9

     

     ... Tout comme la robe que porte Désirée Belle sur le tableau à l'étage !

    Des mots qui retentirent aux oreilles de Vincent Lombardi.

    — Dekarpel, j'ai vu le voleur ! Il est ici ! Pesta-t-il en rentrant en furie. Bougez-vous ! Retrouvez-le !

    — Voilà ce qu'on appelle un excès de colère, monsieur Lombardi. Je vous suis... 

    — Pardon, je suis un peu énervé.

    Chapitre 9

     

     David courut énergiquement derrière Vincent Lombardi. Il le conduisit sur une place caillouteuse. L'agent Dekarpel écarta les buissons, chercha une silhouette, des traces de pas... Il n'entendit qu'un mince filet d'eau se déverser dans une vasque en pierre. 

    — Vous me faites perdre mon temps, dit amèrement l'agent Dekarpel. Il n'y a personne ici...

    Le téléphone de Lombardi vibra dans la poche de son pantalon. Il jeta un bref coup d'œil. Un message codé lui disait "Retrouve-moi à l'étage. C'est urgent."

    Chapitre 9

     

    — Le type était là, j'en suis sûr ! Ses yeux sont particuliers, il était entouré d'une fumée noire, releva l'homme d'affaires. Vous devriez y voir plus clair, avec ce verre grossier que vous portez sur l'œil !

    David Dekarpel sentit une étrange odeur. Surpris fut-il lorsqu'il vit une chauve-souris battre des ailes. 

    — Ne soyez pas désagréable monsieur Lombardi, reprit David. Ma présence vous dérange n'est-ce pas ! J'aimerais savoir depuis quand vous vous occupez des comptes de Gabriel ? Vous avez dit être ici pour récupérer l'argent liquide de monsieur Belle.

    — C'est à titre exceptionnel, seulement aujourd'hui. Je veux lui rendre service, c'est tout.

    — Ah oui et aussi l'aider à monter les escaliers, titilla ouvertement l'agent. Il est riche et l'argent attire les nouveaux amis.

    — J'ai de l'argent, je n'ai pas besoin du sien ! 

    — Peut-être êtes-vous en faillite... C'est pas de bol cette employée morte dans votre boutique. Il y a aussi cette robe qu'on vous a soi-disant volée... Tout cela fait beaucoup de mauvaise publicité. Il faudra venir au poste de police et apporter une photographie, pour le dossier. Vous avez certainement une trace de cette robe unique, quelque part. Peut-être dans l'un de vos magazines de  mode !

    Chapitre 9

     

    — Tout va bien Gab ?

    — Je suis redescendu pour accueillir des invités de dernière minute et je n'arrive pas à remonter les escaliers, soupira-t-il. J'ai très mal au dos. Je ne trouve pas Vincent, ni Laora. 

    Attristée, Liotta répondit :

    — Je vais vous aider. Est-ce que tout se déroule comme prévu ?

    — J'aimerais que ma petite Daisy soit là pour admirer toute la beauté des tableaux offerts par la générosité des gens. Elle aurait aimé...

    — Elle n'est pas morte Gab, chuchota-t-elle. 

    — Comment pouvez-vous en être sûre ? La maison est si vide sans elle.

    — Mais Laora est revenue maintenant.

    — Elle ne me dit même pas bonjour le matin...

    — Gabriel, je ne vais pas pouvoir rester longtemps. Mon garçon m'attend à la maison. Je vais adopter un fils.

    Chapitre 9

     

    — Un fils ? 

    — Oui. Il s'appelle Ruben.

    — Je suis si content pour vous Liotta !

    — Merci Gab. C'est un grand changement dans ma vie et j'aimerais vous le présenter à l'occasion de son premier anniversaire, à l'hiver prochain. Je vous enverrai une petite carte d'invitation.

    — Toute la joie est pour moi, sourit-il.

    — J'espère que vous ne serez pas cloué au lit. Vous avez besoin de pilules ? Vous savez... du fait-maison.

    — Oui s'il vous plaît. Aidez-moi à remonter les escaliers...

    Chapitre 9

     

    — Bien sûr Gab. Mais avant, vous qui êtes un homme très cultivé, si je vous dis ; équinoxe, qu'est-ce que cela vous évoque ?

    — Drôle de question... Pour faire court, je dirais une brèche ouverte dans le temps.

    — Et qu'est-ce qui pourrait empêcher d'y entrer ?

    — Un exemple au hasard et le plus probable possible, je pense à un mur occulte.

    — Merci.

    — Ne partez pas tout de suite Liotta... Je ne sais pas où est Vincent. Il avait promis de m'aider. Quant à Laora, elle est certainement en train de se repoudrer le nez.

    — D'accord.

    Chapitre 9

     

    À l'étage...

    — Qu'est-ce qu'il y a de si urgent ? Maugréa Vincent Lombardi.

    — Ce tableau, soupira Laora Belle. C'est la robe qu'on t'a volée !

    — Je ne suis pas aveugle. Je t'avais dit de ne plus m'envoyer de message sur mon portable. Ce Dekarpel fouine partout...

    Chapitre 9

     

     Derrière la porte vitrée, Lyron fit son plus beau sourire lorsque les yeux des amants se tournèrent vers lui.

    Il disparut, après les avoir salués d'une main orgueilleuse.

    Chapitre 9

     

    — Tu l'as vu aussi pas vrai ? Demanda Vincent Lombardi.

    — Oui, répondit Laora, inquiète. Il a des yeux bleus perçants et des cheveux noirs, comme tu l'as décrit aux journalistes l'autre jour. Je l'ai pris pour un barman tout à l'heure.

    — Il joue avec moi ! 

    — Tu crois qu'il est l'auteur de cette peinture ?

    — Je ne sais pas... Mais cela veut dire que Désirée Belle est encore vivante. La robe a été volée après sa disparition. Ce qui fera de moi le premier suspect...

    — Tu es dans la merde Vincent !

    Chapitre 9

     

    — Autant que toi et je t'entraînerai dans ma chute s'il le faut !

    — David Dekarpel m'a posé un tas de questions, et aussi sur le bouton.

    — Retrouve-le !

    — Je pense l'avoir perdu à bord du Newcrestic...

    — Pauvre fille, tu es une incompétente ! Il faut tout te dire, tout t'expliquer, pourtant on avait un plan. Alors débrouille-toi pour que le flic retrouve ce bouton chez la balafrée, Liotta Conley.

    Chapitre 9

     

    — Calme-toi, tu me fais peur, sanglota Laora.

    Et les grimaces s'accentuèrent. Le ton monta plus haut. Vincent Lombardi la poussa contre le mur boisé et agrippa sauvagement son cou.

    — Tu es grosse et vilaine ! Ta sœur, elle au moins, a le mérite d'être parfaite. Pas comme toi, tu n'es qu'une vulgaire fille de joie que j'ai ramassée dans un bar.

    Elle fut blessée, pareil à un coup de couteau qui lui entailla la chair. Il serra son cou, plus fort.

    — Je ne peux plus respirer, arrête...

     

     


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