Les douze coups de minuit retentirent à grand bruit. Désirée descendit l'escalier de marbre avec lenteur. 

Vladislaus l'attendait, le regard sévère. Elle frémit. Elle posa ses yeux sur un cercueil, un candélabre fatigué et un pied                 peu ouvragé qui portait un recueil.

Au milieu des vieux murs en pierre, Vladislaus examina Désirée comme s'il ne l'avait jamais vu.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

            

 — Vous me mettez mal à l'aise monsieur Vlad.

 — Je ne vous veux aucun mal, jeune fille. Je me demandais si vous étiez à la hauteur de la tâche qui vous attend.

 — De quoi parlez-vous ?

 — Je ne sais par où commencer. Voyons... Vous êtes au fond du sépulcre. Mon lieu de repos ainsi que celui de Lyron.               Nous dormons dans un cercueil. Nous nous nourrissons de sang et nous craignons la lumière du soleil.

 — Alors vous êtes comme la petite Valàne ?

— Des vampires, c'est exact, hormis le fait que Valàne est l'héritière du trône de Limaille, en théorie.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

                  

— Que voulez-vous dire ?

 — Mon neveu vous a-t-il offert une rose noire ?

 — Oui, mais je m'en souviens à peine. J'avais un peu bu et je n'en suis pas fière.

 — L'épine de la rose noire vous a-t-elle piquée ?

 — Oui je crois, répondit Daisy, ses cheveux enroulés autour de son doigt.

— Ainsi vous avez scellé le sort quand votre sang a coulé sur l'épine de la rose noire et c'est vous qui devrez monter sur le         trône de Limaille.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

                  

— C'est pour cela que vous me retenez prisonnière ?

 — À qui la faute jeune fille ? Lyron, tout est sa faute ! Il vous a menti et s'est montré irresponsable en agissant                               de la sorte.

 — Qu'est-ce que c'est le trône de Limaille ?

— Vous aurez tous les peuples à vos pieds. Vous aurez autorité et pouvoir sur les vampires, les loups-garous, les sorciers et les Veilds. Vous allez diriger un empire. Il vous suffit d'accepter de signer le recueil pour rétablir les lois et de devenir l'une des nôtres, comme Samuel.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

          

Désirée devint blanche comme un linge. D'un geste de la main, Vlad l'invita à s'asseoir. 

— Voilà pourquoi il est si distant envers moi... Et cela veut dire que je ne reverrai plus mon père, dit-elle, la voix tremblante.

— Le choix est fait jeune fille. Vous êtes une simple mortelle qui le paiera de sa vie si vous restez comme vous êtes. Ou alors trouver un spécimen rare qui désenchantera la rose noire afin de la restituer à Valàne. Cette situation me déplait autant qu'à vous. Allons, la nuit porte conseil.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

                

— Reposez-vous, conclut Vladislaus. Ah, j'oubliais ! Prenez ce téléphone et faites savoir à votre père que vous êtes en vie. 

Je compte sur votre discrétion concernant le reste. Il semblerait que Lyron vous ait caché que nous avions un téléphone à la maison.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

          

Dans l'étroit couloir qu'elle emprunta à toutes jambes, Lyron épiait et attendait. Elle s'arrêta pour le gifler.

En pleurs, elle fuit dans ses appartements.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Hôtel de Police de Windenburg, salle d'interrogatoire.

Elle avait passé la nuit dans une cellule sordide comme une vulgaire criminelle. Tôt le lendemain, ses empreintes digitales et son ADN furent relevés. Liotta était assise face à l'agent David Dekarpel. Une table les séparait dans une salle monotone. L'agent Dekarpel avait disposé la robe rouge sur un mannequin. Il enfonça ses lunettes et relut des notes qu'il avait rapportées dans un cahier.

— Je vous remercie de m'avoir permis de me changer David.

— Même les détenus ont droit de prendre une douche... Ne me faites pas cet air amical et laissez-moi commencer mon interrogatoire.

— Je ne sais pas ce que je fais ici !

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

                  

— La robe rouge n'est pas arrivée toute seule à votre domicile Liotta, si ?

— Elle ne m'appartient pas, ce n'est pas à moi. 

— Laora Belle dit avoir vue une petite fille du nom de Valàne chez vous.

— Je ne connais pas de Valàne. C'est Laora Belle que vous devriez harceler de questions. C'est elle qui portait cette robe rouge quand elle est revenue chez son père, Gabriel.

— Oui, lors de la disparition de Désirée Belle, n'est-ce pas ?

— Exactement...

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

                  

— Vous êtes au cœur de ces deux affaires Liotta. Vous connaissez Désirée ?

— Je vous l'ai déjà dit. Oui, c'est mon amie.

— Et où est-elle ?

— Je ne sais pas.

— Vous mentez Liotta ! Et les poupées retrouvées chez vous dans cette chambre d'enfants, d'où viennent-elles ?

— Je les ai achetées pour mon fils, ricana Liotta.

— Vous me prenez pour un imbécile ?

— Pas du tout !

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

                

— Valàne et Désirée Belle ont-elles un lien de parenté ?

— Je ne connais pas de Valàne...

— Et où est Désirée Belle ?

— Vous me donnez mal à la tête monsieur l'agent. Je ne sais pas.

— Votre nom est brodé sous le jupon de cette robe d'époque rouge. Pourquoi ? Etes-vous liée à la disparition de Désirée Belle ?

— Mais enfin vous ne voyez pas que quelqu'un essaie de m'accuser à tort.

— Qui, à votre avis ?

— Laora Belle. Elle est venue chez moi, un jour à l'improviste. Elle a demandé à aller aux toilettes. Elle est montée à l'étage et je l'ai retrouvée dans la chambre de mon fils.

— Et elle dit avoir vue une petite fille du nom de Valàne.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

                

— Là n'est pas la question. Je suis sûre que cette robe appartient à Laora Belle et qu'elle l'a dissimulé chez moi.

— Parlons de votre fils, Ruben. Avez-vous des papiers officiels d'adoption ?

— Non. Je n'ai pas encore eu le temps de faire les démarches administratives. J'ai soif monsieur l'agent... Vous m'épuisez avec vos questions tordues.

— Restez polie Liotta... Je vais chercher un verre d'eau. Restez tranquille.

— Vous voulez quoi, que je m'enfuie par la fenêtre ? Il n'y en a pas.

 

 

 

 

 

 

 

   

 

 

 

 

 

         

L'agent Dekarpel referma la porte derrière lui. Liotta se leva et s'approcha du mannequin. Elle fit de grands gestes avec les mains et sur le ton de la plaisanterie hurla « Robe, brûle ! ».

Celle-ci s'enflamma. Liotta écarquilla les yeux « Oh mon dieu... » dit-elle en sourdine.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

             

Une odeur de brûlé titilla les narines de l'agent Dekarpel. Il fit tomber le verre d'eau qui s'écrasa en mille morceaux sur le sol. Il ouvrit la porte de la salle d'interrogatoire, brutalement. La robe rouge était en feu. L'alarme se déclencha. Il saisit un extincteur visant les flammes.

— Que s'est-il passé ? Demanda David Dekarpel.

— Mais je ne sais pas monsieur l'agent, répondit Liotta.

— Besoin d'aide ? Questionna un collègue.

— Non ça va, merci, répondit David. 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

       

L'alarme s'arrêta. 

— On dirait bien que la preuve qui me retenait ici n'est plus exploitable, remarqua Liotta. S'il vous plaît... Laissez-moi rentrer à la maison. Mon petit garçon a besoin de moi, tout comme j'ai besoin de lui.

— Vous êtes libre Liotta Conley, ajouta maussadement David Dekarpel.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

        

Ce fait inexpliqué fit la une des journaux et marqua la fin de l'hiver.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

                

Au printemps naissant, Élios et Adélaïde étaient toujours en quête de la rose noire. Ils s'arrêtèrent dans un trou paumé entouré d'une nature sauvage. Une affiche placardée sur un panneau indiquait qu'ils se trouvaient à Moonwood Mill. Sur une autre un peu fantaisiste était peint un loup hurlant à la lune. Des coups de griffes avaient entaillé des vieilles coupures de journaux. 

— Il y a quelqu'un ? Questionna Adélaïde en se retournant brutalement.

Au loin, les sapins remuaient.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

                 

— Le coin semble désert, souligna Élios. Nous ne trouverons pas l'enfant ici, ni la rose noire...

— C'est justement trop calme, répondit Adélaïde.

Ils se portèrent rapidement un peu plus loin. 

— Tout est cassé, abandonné et délabré, constata Élios, le regard porté sur des voitures et des bâtiments en ruine.

— On va fouiller le coin, dit Adélaïde.

— Ce n'est guère une bonne idée, s'opposa Elios.

— Fais ce que je te dis !

Adélaïde partit d'un côté, Élios de l'autre.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

            

Liotta faisait sa rentrée à l'école de magie. Débitaient d'un haut-parleur les paroles de Faba, la directrice. Elle souhaitait à ses élèves un bon retour ouvrant ainsi les nouvelles épreuves, à la clé, un familier au choix. Morgyn Ember s'entraînait.

— Bonjour, dit timidement Liotta.

— Liotta Conley le retour, répondit le sage, indifférent.

— Vous avez une nouvelle baguette monsieur. Elle est impressionnante. Je me disais que vous pourriez m'accorder une heure pour m'apprendre la magie indomptée.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

                  

— Je n'ai pas de temps à perdre avec vous. Vous avez trop fait parler de vous l'hiver dernier. 

— De quoi parlez-vous ?

— Une robe qui prend feu dans un espace clos, cela a fait la une des journaux.

— Je ne sais pas moi-même comment s'est arrivé...

— Vous êtes tombée dans un chaudron étant enfant. Vos pouvoirs de sorcière se développent sans que vous bougiez le petit doigt. C'est pour cela que les sages ne vous aiment pas, hormis le gros Siméon.

Liotta riposta :

— L'impolitesse ne vous va pas le sage maigre !

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

              

Élios rentra dans une espèce de cabine accolée à deux autres, celles-ci condamnées par des chaînes. Il rampa sous un plafond particulièrement bas. Il remarqua que le tunnel se divisait devant lui en trois chemins. De l'un d'eux, parvint une mélodie faible mais magique, du deuxième chemin, une vague odeur d'ail, et du troisième, un son métallique, peut-être une voix... 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

             

 

Élios fit son choix. Devant lui, de la lumière...