- Forgotten Hollow -

Un feu dans la cheminée se répandait. Profitant d'un jour de congé, le majordome avait les joues brûlantes. Il cherchait à comprendre comment il était arrivé au manoir. Il sentit, derrière lui, une présence qui était arrivée sans bruit.

— Samuel, puis-je vous parler un instant ? Engagea Lyron.

— C'est vous le patron monsieur, répondit-il.

— Asseyez-vous, je vous en prie...

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

— Pourquoi avez-vous aidé mademoiselle Daisy à s'enfuir ? Continua Lyron. Je ne puis vivre sans elle.

— Pardon d'être aussi direct monsieur, mais elle va mourir si elle reste ici. Moi je n'ai plus rien à perdre. Je suis un vieux monsieur qui n'a plus d'avenir. Mademoiselle Daisy a toute la vie devant elle. Je pense que mes patrons ne sont pas humains.

— J'admire votre courage. Vous vous posez beaucoup de questions n'est-ce pas Samuel ?

— Oui monsieur Lyron. Je sais qu'il se passe des choses ici... des choses bizarres.

— Parlez-vous de ce dragon noir qui a dernièrement rejoint notre famille ?

— Pas seulement monsieur. Toutes ces tombes autour du manoir font froid dans le dos !

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

— Ce sont les tombes d'anciens valets de chambre. Ce qu'on appelle aujourd'hui des domestiques. Je préfère le terme majordome. Mon oncle les a vidés de leur sang, l'un après l'autre. Il y a aussi des femmes de ménage, des cuisiniers, ou encore des individus trop curieux qui passaient par ici. Vous avez une famille Samuel ?

— Non. En tout cas, si j'en ai une, je ne m'en souviens pas. Je vais finir au cimetière c'est ça ?

— Pas si vous savez garder un secret.

— Vous êtes un sang-noir ?

— Parfaitement. Nous sommes des buveurs de sang. Autrement dit, des vampires.

Samuel sanglota.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

— Que va-t-il advenir de mademoiselle Daisy ? Demanda Samuel, soucieux.

— Je vais lui proposer des épousailles, mais elle n'est pas prête. En attendant, elle est en sécurité loin de sa famille, assura Lyron. Je l'ai sauvée d'une mort certaine. Elle était en croisière à bord du Newcrestic lorsque Vincent Lombardi l'a jetée par-dessus bord. Il avait mis au point un plan, avec Laora, la sœur de Désirée. Laora a ensuite passé un contrat avec Vlad. Elle a troqué ma bien-aimée, sa propre sœur, en échange de l'immortalité.

— Elle a donné Désirée à Vladislaus pour devenir vampire, c'est bien cela monsieur Lyron ?

— Oui.

— C'est grotesque !

— C'est peu de le dire Samuel. J'étais là pour chasser lorsque c'est arrivé. Je ne savais pas encore à ce moment-là que j'allais tomber éperdument amoureux de Désirée. Depuis, j'ai cessé de boire les mortels. 

— Si je peux me permettre, c'est une sage décision monsieur Lyron.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

— Pourquoi ne pas dire toute la vérité à mademoiselle Désirée ? Continua Samuel.

— Sa sœur l'a trahie, pensez-vous qu'elle aimerait l'entendre ? Lorsque Daisy est tombée à la mer, j'ai envoyé mon armée se ruer dans la roue à aubes. J'ai sacrifié les miens. C'est une faute impardonnable et passible d'une sanction par le haut conseil. Je voulais que le bateau s'arrête. Je pensais qu'une bonne âme la verrait en train de se noyer, en vain... Je l'ai ramenée sur la plage. J'ai goûté son sang et j'ai regardé Désirée gémir, longuement. Je me suis enfui, je l'ai traquée, puis je l'ai cherchée... 

— Et vous avez ramené mademoiselle Désirée au manoir ! C'est plutôt héroïque monsieur Lyron.

— Je dirais que c'est égoïste.

— Pourquoi me dire tout cela maintenant ?

— Parce que j'approuve la façon dont vous parlez à Daisy et le respect que vous avez envers mon oncle et moi. Même si nous sommes en désaccord, je sais qu'il fait certains choix pour le bien de notre famille.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

  Vladislaus prit place dans le fauteuil avec vélocité. Samuel fit mine de ne rien voir.

— Héroïque a dit le majordome ! Se moqua-t-il en serrant le poing. Vous voilà dans la confidence à présent. J'ignorais que vous aviez sacrifié des chauves-souris mon cher neveu !

Lyron riposta :

 — Il n'est guère convenable de nous espionner !

— Allons... Samuel en sait déjà beaucoup. En autre, que je peux me mouvoir comme un nuage nébuleux. Vous ne pouvez plus faire marche arrière. Et comme je vous aime bien, je suis prêt à planter mes crocs dans votre cou.

— Puis-je y réfléchir ? Demanda le majordome, la voix tremblante.

— Hélas non, répondit Vlad, autoritaire. Les pouvoirs des vampires grandissent avec le temps. Mon neveu ne peut guère vous donner pleine satisfaction.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

— Est-ce que cela fait mal ? Demanda Samuel.

— Lentement le venin pénétrera vos entrailles. Vous aurez la nausée jusqu'à ce que votre cœur s'entoure d'une robe d'acier blanche et brillante. Vous sentirez votre sang bouillir dans vos veines jusqu'à ce qu'il se fige. Vous serez frappé par une froideur glaciale. Votre corps deviendra dur comme l'acier. Il faudra apprendre à maîtriser votre soif, vous périrez si vous rester longtemps au soleil. J'ai arraché le cœur de plus d'un vampire et...

— Cela suffit mon oncle ! S'exclama Lyron.

— Il a le droit de savoir, maugréa Vladislaus. Ceci dit, vous serez d'une agilité surhumaine. Chaque vampire a une particularité. Par exemple, Lyron peut se confondre en chauve-souris. C'est ainsi qu'il a su pour le contrat, dit-il en narguant son neveu. Maintenant la question qui se pose ; serez-vous encore capable de respecter mademoiselle Daisy mon cher Samuel ? 

— J'ai beaucoup d'affection pour elle. 

— Voilà qui me réjouis, approuva Vlad.

— Je me pose une autre question, soupira Lyron. Pourquoi cet intérêt soudain pour que Samuel devienne l'un des nôtres ?

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

— Il faut s'allier et reconstruire une armée. Jadis, naquit sur une île appelé Édénique, le cénacle des vampires*, expliqua Vladislaus. Il est de retour. Il cherche une princesse dont les pouvoirs sont extrêmement développés, supérieurs aux sangs-noirs. La mère de cette enfant est la reine d'un peuple moderne. Elle a su réconcilier les elfes, les loups et les humains. Quant à son père, il comprend et parle le langage des dragons. Certains disent que sa grand-mère était une déesse. Cependant, la princesse Valàne est morte à sa naissance. Mais le Seigneur Noir l'a mordue. Cette enfant donne naissance à une autre nature de vampire. Le sang des mortels ne lui suffira pas. Elle a besoin de sang de dragon pour se nourrir. 

Lyron s'interrogea. Comment son oncle avait-il eu toutes ces informations ?

— Qui est le Seigneur noir ? Questionna Samuel.

— C'est mon frère, répondit Lyron. J'ai cette curieuse impression que vous ne dites pas tout mon oncle.

— Il est dans notre intérêt d'accueillir Valàne sous notre toit, continua Vlad. 

— Je n'osais guère vous le proposer, répliqua Lyron, soulagé. Liotta m'a parlé d'elle.

— Je vois... Hirador pourra la nourrir et Samuel sera au service de l'enfant, comme il le fait avec Désirée. Pour cela, il vaut mieux qu'il devienne l'un des nôtres ou il ne survivra pas. Si vous refusez très cher, vous aurez le numéro mille quatre cents cinquante-sept gravé sur votre pierre tombale...

— J'accepte ! Mais... et pour mademoiselle Daisy ?

 

 

 

 

 

 

 

 

Nulle réponse. Vladislaus planta ses crocs dans le cou du majordome.

Plus tard, il monta se coucher, le venin le torturait.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 Désirée fut réveillée par un bruit sous son lit. Allongée sur le ventre, elle pencha la tête, rien, même pas une poussière. Elle s'assit et crut voir une aile passée par la porte. Elle sauta du lit, courut dans le couloir. Les yeux rivés en haut de l'escalier, elle aperçut une patte « Qui est là ? » demanda-t-elle, en montant prudemment les marches.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Époustouflée fut-elle lorsqu'un dragon tenta de fuir. Hirador était effrayé. Il pensa qu'on allait encore lui arracher les écailles.

« Je ne te veux pas de mal, reste ».

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Le dragon noir se posa sur un bureau. Daisy découvrit un ordinateur. Attristée, elle dit à haute voix « Vous m'avez menti Lyron. Je suis presque sûre qu'il y a aussi un téléphone caché dans un tiroir ». 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 — Il faut que j'envoie un message à mon père, dit-elle en se hâtant vers l'ordinateur. Mais... 

Désirée remarqua, sous les ailes du dragon, des plaies irrégulières « Ta peau est abîmée, on dirait qu'il manque des écailles. Je vais te soigner, tu veux bien ? ».

Conciliant, Hirador s'avança vers elle. 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 À la veille de l'anniversaire de Valàne, Liotta reçut un courrier de la part de Vladislaus.

« Chère Liotta,

Le temps passe et nous attendons toujours que Valàne rejoigne notre foyer. Je vous suis reconnaissant de vous être occuper d'elle. Il doit être difficile de vous séparer de cette enfant dont vous êtes certainement attachée. Mais je crains que vous ne soyez pas en mesure de subvenir à ses besoins. Valàne a besoin de sang de dragon pour se nourrir ou elle s'éteindra. Je vous prie de la ramener au plus vite à Forgotten Hollow. Elle sera en sécurité sous mon toit. En tant que grand-oncle, je vous promets qu'elle sera choyée et protégée. Elle est en danger car le cénacle des vampires la recherche activement. Ce n'est pas une sang-noire comme les autres. Mal éduquée, des individus malintentionnés pourraient se servir de Valàne comme une arme destructrice. J'ai par ailleurs appris dans les journaux, que la directrice de votre école, Faba, a signalé sa disparition à l'agent Dekarpel. C'est osé de sa part, mais futé. Soyez donc prudente ! Vous êtes une amie de Lyron, alors je vous en conjure, ne m'obligez pas à venir chercher l'enfant. Contrairement à mon neveu, je chasse... Je vous souhaite bonne réception des écailles de dragon et de la peau de gargouille qui arriveront par colis à votre domicile.

Vladislaus ».

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 Le 12 Hiver.

Après avoir déposé un bisou sur le front de Valàne et de Ruben, Liotta s'assit à côté de Jaméson encore en pyjama.

— Le grand jour est arrivé ! S'exclama Liotta. Vous pouvez aller en ville acheter un gâteau Jaméson ?

— Bien sûr ! Mais vous semblez préoccuper depuis quelques jours. C'est aujourd'hui l'anniversaire de Valàne. Vous devriez être heureuse.

— C'est cette lettre que j'aie reçue hier. Une lettre de la part de Vladislaus. Il insiste pour que je ramène la fille au manoir.

— C'est l'oncle de votre ami Lyron, c'est bien ça ?

— Il dit être son oncle en effet. Mais c'est avant tout un maître vampire qui chasse. Je n'ai pas confiance en lui. Dans sa lettre, il ne parle même pas de Désirée, ni d'Hirador.

— Je pense que c'est uniquement par précaution. Peut-être qu'elle se plaît là-bas et qu'elle n'a plus envie de revenir à Windenburg.

— Je ne sais pas... Je suis condamnée au silence de toute façon. Vous n'avez toujours pas cloué la carte au mur, celle que j'aie achetée à la vente aux enchères.

— Pardon. Il y a tant à faire avec deux bébés à la maison que je n'ai plus le temps de rien.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

— Merci pour votre aide Jaméson. Je ne sais pas ce que je ferais sans vous. Je n'ai vraiment pas envie que la fille s'en aille.

Il réconforta Liotta d'une éteinte plus qu'amicale.

— Ça va aller... Elle a faim Liotta. Vous le savez bien. Valàne vomit tout ce que vous avez tenté de mettre dans son biberon.

— Je sais. Je sais maintenant qu'elle a vraiment besoin de sang de dragon. Hirador n'est pas arrivé ici par hasard avec elle. Mais j'aimerais tellement la voir grandir.

— Vous êtes à l'aise maintenant sur votre balai. Vous pourrez lui rendre visite. Je pense que c'est mieux pour Valàne qu'elle aille vivre auprès des siens. Et après les congés de Noël, c'est la deuxième épreuve. Il faut poursuivre vos efforts...

 — Il y a autre chose qui me préoccupe Jaméson. L'agent Dekarpel a trouvé un dragodor dans votre poche. Il l'a gardé, évidemment. Est-ce que vous l'avez volé dans le coffre de la fille ?

— C'était un emprunt. Je voulais le garder pour le lui rendre en mains propres, plus tard, quand elle sera grande. Puis-je jeter un coup d'œil à la lettre de Vladislaus ?

— Oui. Elle est dans le tiroir.

Jaméson lut la lettre avec beaucoup d'attention.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 Plus tard, en ville, non loin de la boulangerie.

 — Tiens ! Les sages sont de sortie, salua Jaméson. L'as de pique ? Il me semble vous avoir croisé une ou deux fois. Liotta m'a parlé du paternel de son cœur.

Morgyn prit la parole :

— Siméon, laissez-moi vous présenter Jaméson Roussel. Notre faux sorcier qui a dessiné la directrice avec une moustache sur sa fiche d'inscription. Et c'est un clochard !

Siméon rit discrètement. Jaméson répliqua :

— C'était une plaisanterie. Je n'ai pas de maison c'est tout. Liotta me loge en échange de quelques petits services que je lui rends de temps en temps.

— Comme par exemple baby-sitter... Où est Valàne ? Elle a disparu de l'école.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

— Monsieur Roussel, j'ai beaucoup d'affection pour Liotta. Mais si elle a emmené Valàne, il faut le dire, insista Siméon.

— Bien sûr que non, mentit Jaméson. Je ne vois pas de quoi vous parler.

— Pourquoi personne ne vous a donné une potion de l'oubli ! S'exclama Morgyn. C'est ce qu'on fait avec les recalés. Vous ne faites pas partie de l'école. Votre candidature a été rejetée.

— Elle n'a eu aucun effet sur moi, répondit fièrement Jaméson. J'ai à faire, excusez-moi...

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

De retour chez Liotta, en fin d'après-midi...

 — Je suis désolée, il n'y a pas d'invités pour ton anniversaire. Mais on t'a acheté des cadeaux. Et avec l'aide de Jaméson, je t'ai préparé une jolie chambre.

Liotta chanta d'une voix douce le refrain d'une chanson. Jaméson l'accompagna.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Et pendant que Valàne grandit, il lui vola un baiser.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

— Saperlipopette ! S'exclama Liotta. 

— Cette petite fille a des yeux étonnants, remarqua Jaméson, le regard penché sur elle.

— Des yeux de lynx, de guépard, de félin ?

— Ou peut-être de serpent. Je la trouve si intimidante...

— Je suis d'accord. Pourquoi ne pas lui mettre la jolie robe que vous lui avez offerte ?

— Oui ! C'est une bonne idée.

Jaméson habilla l'enfant. Elle était froide comme le marbre, raide et figée. 

— Passons à la cuisine, proposa Jaméson. Un délicieux gâteau et un bon chocolat chaud nous attendent !

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Liotta porta l'enfant et se dirigea dans le couloir. Elle admira ses joues, sa bouche, ses cheveux bruns et ses oreilles pointues. Mais ses yeux l'intriguaient. Elle s'efforça de sourire face à une fillette qui la regardait fixement.

— Tu dois être aussi belle que ta vraie maman. Je me sens une toute petite sorcière à côté de toi. Joyeux anniversaire Princesse Valàne !

 

  cénacle des vampires* = haut conseil